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ALBIN DE LA SIMONE | LES CENT PROCHAINES ANNÉES DISPONIBLE AUJOURD’HUI

Albin de la Simone propose Les cent prochaines années, son septième albumSix ans déjà après L’un de nous, à point nommé pour célébrer vingt années de chansons, il reprend le fil de ce qui peu à peu a façonné son style unique.

Cette fois, pourtant, le réalisateur qu’il est régulièrement pour les autres (MiossecPommeVanessa Paradis ou Pierre Lapointe) a choisi de ne plus l’être pour lui-même, en confiant les clés à un jeune disciple, Ambroise Willaume alias Sage.

En adoptant ce léger pas de recul vis-à-vis de ses chansons, le compositeur-chanteur dévoile pourtant son disque d’auteur le plus personnel, à commencer par cette pochette qui le montre, enfant, dans les bras de sa mère, dont le titre Petit petit moi décrit avec précision le contexte. « J’ai envie de toucher de la même manière que j’aime être touché. Comme il m’arrive d’être bouleversé par les chansons des autres, je ne dois plus me poser d’obstacle à l’idée d’émouvoir », confie celui qui creuse de disque en disque un sillon de plus en plus profond, sans toutefois perdre en chemin sa belle légèreté.

Si Les cent prochaines années, en ouverture, donne foi en l’espoir de beaux lendemains, l’album est la chronique équilibrée, voire équilibriste, de l’émerveillement et de la douleur, de la rupture et de la renaissance amoureuse (J’embrasse plus, Pars, Merveille), du souvenir et de l’avenir (« Quoi sera mieux, quoi sera pire, qui saura dire ? »), jusqu’à l’échappée onirique de À jamais, rêverie fantasque, limite fantastique, d’un type en panne qui s’ébroue les sens. 

Au contact de son nouveau complice pas si sage, Albin de la Simone a élargi ses focales, en témoignent certains morceaux qui figuraient en versions minimales (et instrumentales) sur son disque précédent Happy end, et qui ici ne retrouvent pas seulement la voix mais bien une autre vie. C’est le cas par exemple de Merveille, valse gymnopédique comme mise en couleur après une première esquisse. Albin de la Simone, qui dessine et peint, sait combien les teintes, ombrages et reliefs importent dans l’exposition d’une chanson autant que sur une toile. Ici il a convié un trio de musiciens additionnels qui font bouger les lignes et vibrer les perspectives : le québécois d’adoption Robbie Kuster, la virtuose harpiste Gustine et le souffleur Thibaud Vanhooland, cousin chanteur sous le nom de Voyou, qui fait rutiler ses cuivres comme à la parade. 

Les guitares et les basses de Sage, au contact des claviers d’Albin dans un esprit sensiblement plus pop qu’à l’accoutumée, donnent également à cet ensemble l’apparence d’une fresque élégante mais jamais figée, qui se déroule comme un décor en trompe-l’œil. 

Deux tableaux impressionnistes signés Degas (L’Absinthe) et Manet (La Prune), deux femmes aux regards perdus dans des cafés, ont d’ailleurs inspiré le texte de « Mireille 1972 », merveille de chanson délicate sur l’avortement qui foudroie le cœur et tétanise par sa justesse.

L’autre invitation de ce disque décidément grand ouvert est allée dans l’autre sens, à la demande d’Albin, pour un duo avec le Brésilien Rodrigo Amarante (Los Hermanos, Little Joy) qui termine ainsi le programme avec « Lui dire », ballet à deux voix pour une même femme. 

Noble et sentimental, discrètement voluptueux, d’une musicalité qui n’appartient qu’à Albin de la Simone, cet ouvrage est bien là pour accompagner longtemps et en beauté les jours qui passent. De toute évidence au cours des cent prochaines années. 

Et après, on voit. 

Musique