L’émotion brute par Virginie Brunelle
Observatrice attentive des tumultes d’un monde en pleine ébullition, Virginie Brunelle ose le pari d’une création des plus ambitieuses, une suite de tableaux troublants qui secouent jusqu’aux entrailles. Le point de départ de Fables, présentée en première mondiale au Lugano Dance Project 2022 (Suisse), est la thématique de ce festival gravitant autour de Monte Verità, célèbre colline qui fut le berceau de microsociétés utopiques depuis le début du XXe siècle. Cette communauté libérée, hippie avant la lettre, a éveillé chez la chorégraphe l’envie de se pencher sur le féminisme. Avec en toile de fond le chaos d’une époque sens dessus dessous, Fables nous projette dans des espaces d’affabulation d’où émergent des personnages plus grands que nature — archétypes féminins contemporains ayant tracé le chemin pour s’affranchir de barrières invisibles, mais pourtant réelles. Un univers d’un grand pouvoir évocateur, proche de la danse-théâtre, en écho à un besoin criant d’utopie, d’espoir et d’humanité. Virginie Brunelle s’impose depuis une dizaine d’années avec un vocabulaire gestuel rigoureux, très physique, implacable, et une grande musicalité. Après la collaboration avec le Quatuor Molinari pour Les corps avalés en 2020, elle s’associe pour Fables aux compositeurs Philippe Brault et Laurier Rajotte, ce dernier interprétant la partition au piano sur scène. |